Je me revois gamin, assis sur le balcon avant de notre voilier familial de voyage. Passer des heures à regarder l’étrave couper les vagues, voir le bleu glisser sous la coque et compter les milles nautiques défiler.
Les années se sont écoulées sous la carène de mes voiliers, l’enfant est devenu grand, mais seules les formes des étraves et la vitesse de mes bateaux ont finalement changés.
Le plaisir de contempler l’océan et la liberté que me procure la voile sont, eux, toujours bien là. Mon humilité, aussi, face à ce rêve de gosse de voir mon étrave croiser les trois caps et boucler la boucle.
Écouter le bruit de ma coque pousser, voler, planter, gîter, parfois grincer au gré des océans me rappelle en effet constamment à quel point nous sommes petits face à la force de la nature. Et c’est mon plaisir de pouvoir contempler, une fois arrivé, cette partie si fine de mon bateau, qui a 1 000 choses à dévoiler, mais qui gardera ses secrets. La vie en mer ne peut être racontée, mais elle peut s’écrire.
Pour moi, le meilleur moyen de garder trace des mots sur ce que l’océan nous procure, c’est l’écriture. Je passe beaucoup de temps à poser des mots sur papier en mer mais comme elle, comme l’étrave de mon bateau, je préfère garder le secret et laisser mes notes à la mer.
Alan Roura