Mots du bord 12/05
Fortunes diverses à bord pour Sébastien Marsset, Antoine Cornic, Nicolas Lunven, Manuel Cousin, Conrad Colman, Giancarlo Pedote et Denis Van Weynbergh. Tous reviennent sur leur progression - pas toujours facile – de ces dernières heures…
Sébastien Marsset (Cap Agir Ensemble #SponsorsBienvenus) : « Ça a duré une éternité »
« La nuit a commencé hier par un magnifique coucher de soleil en approche du way-point Gallimard. Ce point de passage a été compliqué à contourner : il était placé pile-poil dans une zone sans vent, avec énormément de mer (2,50 mètres de houle). C’était compliqué de faire avancer le bateau. Une fois qu’on a pu faire cap vers le sud-est en empannant et qu’on était poussé par la houle, ça allait. J’ai passé le way-point en étant bord à bord avec Alan Roura (Hublot). Ensuite, je pensais qu’on allait retrouver du vent mais ça a duré une éternité, jusqu’au lever du soleil. Ça s’est finalement établi à 10 nœuds. D’un point de vue progression, c’était une nuit frustrante. En revanche, c’était une nuit à regarder le ciel entre le coucher de soleil et les étoiles partiellement cachées par les nuages. Ce matin, j’ai l’impression qu’il va faire beau ! Désormais, cap vers l’Espagne. Tout va bien à bord mais je n’ai pas encore regardé le classement. »
Antoine Cornic (EBAC Literie) : « L’impression d’être sur un Mini 6.50 »
« Cette dépression, je l’ai prise tranquillement pour valider mon nouveau gréement dormant avec deux ris - J3. C’était bien jusqu’à ce que mon bout de J2 casse dans 35 nœuds de vent… Ce n’est pas terrible mais ça teste le gréement. Forcément, c’est moins drôle quand il y a des claques à 48 nœuds en sortant du front. À l’intérieur, je ne pouvais rien faire mais c’est passé. En revanche, RAS à bord. Je viens d’envoyer le code 0 à 80 milles du point de passage Gallimard. Je ne sais pas où sont les autres – l’informatique et moi, ça fait deux – donc j’ai presque l’impression d’être sur un Mini 6.50, avec les mails en plus. Le soleil est revenu, ça fait du bien. Le vent va tomber, encore et encore (quelle belle chanson de Francis Cabrel). Bref, tout va bien sur Ebac Literie. »
« Nous voilà au près, direction l'Espagne. J'imagine juste la tête d'un néophyte : il doit se dire que c'est vraiment con comme sport. Passer par l’Espagne pour aller à Brest… J’ai écouté pour la première fois de la musique live de Pink Floyd. C'était pas mal. Je commence à passer à un autre stade : je ne sais plus quel jour on est, ni quelle heure il est... Je ne vis que pour le bateau et moi. Je suis heureux d'être là et pour fêter ça, je vais me faire une petite brandade de morue. »
Denis Van Weynbergh (Laboratoires de Biarritz) : « Les deux faces de la même pièce »
« La nuit de mardi à mercredi fut cauchemardesque. Le vent fort qui siffle dans la mâture faisait claquer les voiles. Il y avait de la pluie, une mer croisée, une nuit noire à y perdre son latin… Et le tout assaisonné par un mal de mer de chien pendant les manœuvres qui m’a cloué à la bannette pendant 4 heures, une fois Waterloo terminé ! Ce mercredi soir, c’est calme. Il n’y a pas de bruit, juste le ruissellement de l’eau sur la coque. Le bateau avance doucement, trop sans doute. Une demi-lune éclaire la mer comme pour montrer la route et une certaine zénitude émane de cette atmosphère. Ces deux nuits sont les deux faces de la même pièce. Parfois on privilégie le fait de naviguer sur la tranche de la monnaie. Tout dépend alors de son métal, de son épaisseur et des gravures qui y sont présentes… »
Giancarlo Pedote (Prysmian Group) :
« Après avoir viré le way-point Gallimard, on s’est retrouvé avec une dorsale sur le dos, avec, à la clé, un vent très très léger. Cette nuit, c’est resté très faible. J’ai toutefois pas mal avancé avec mon Code 0. Ça a finalement été une jolie navigation et je me suis même un peu reposé. J’en avais vraiment besoin car j’ai beaucoup tiré sur le bonhomme depuis le départ sans avoir eu beaucoup d’entraînement en mer avant la course dans la mesure où on a mis à l’eau tard. Là, le vent commence à rentrer de nord-est. Il souffle entre 12 et 13 nœuds et il devrait se renforcer le long de l’Espagne. L’idée, c’est d’aller chercher la bascule du vent à la pointe du cap Finisterre. Il va falloir faire attention car on va passer dans une zone compliquée pour la navigation pour deux raisons. D’une part, parce qu’il va falloir négocier le DTS (dispositif de séparation de trafic) et, d’autre part, parce qu’à l’approche des côtes, on va rencontrer des pêcheurs qui n’allument pas tous leurs AIS. »
Isabelle Joschke MACSF :
« A bord de MACSF, tout va bien. Je me suis reposée cette nuit car l’enchaînement entre le passage du front et la descente vers le way-point Gallimard a été humide et fatiguant. J’ai retrouvé les belles moyennes qu’on peut avoir avec ce bateau, mais j’ai aussi retrouvé les « joies » de la vie à bord dans ces circonstances, où tout devient laborieux et dangereux. J’ai eu droit à une gamelle dans un coup de frein qui m’a servi d’alerte. A bord, on n’a droit qu’à seule main de libre, l’autre doit toujours être solidement accrochée. Je suis super contente de ma course, je ne me voyais pas autant dans le match avec tous ces beaux bateaux autour de moi, et surtout toutes ces manœuvres à enchaîner. Ça me rappelle la Solitaire du Figaro ce parcours et ce rythme, mais tout es tellement plus physique en IMOCA. A présent, c’est retour au près et ça va prendre un peu de temps encore ! »
Nicolas Lunven (Banque Populaire) : « Plutôt satisfait de ma course jusqu’à maintenant »
« Je vais faire un petit retour en arrière : la nuit de mardi à mercredi a été marquée par le passage d'une petite dépression secondaire et de son front froid. Bien que petite, on a quand même pris jusqu'à 35-40 nœuds de l'autre côté du front. Une fois derrière ce front, on est descendu à vive allure au reaching vers le way-point Gallimard. Au début, le vent était fort, puis il a molli doucement, il a donc fallu manœuvrer pour renvoyer de la toile. L'approche finale de la marque virtuelle s'est faite dans du vent carrément faible. Autant vous dire que là-dedans, on ne parle pas de repos !
Une fois passé le way-point, on est reparti vers le nord-est. Au début, ce n'était pas simple avec le vent faible et la mer résiduelle. Ça gigotait dans tous les sens et ça n'avançait pas bien vite...
Après un peu d'efforts (ou de baissage de bras peut-être aussi...), j'en ai profité pour aller me reposer. Et j'en ai vraiment profité ! Le vent étant un peu mieux établi en deuxième partie de nuit, ça avançait tout seul. Du bonheur ! Le tout avec une nuit superbe, la lune les étoiles... ne manquaient que les sirènes !
Depuis ce jeudi matin, le vent continue de monter progressivement et de tourner à droite. On devrait virer dans la nuit aux abords de la point espagnole pour ensuite remonter vers Brest, toujours au près, en tribord amure. Même si le près n'est pas l'allure la plus fun, je prends quand-même beaucoup de plaisir : il fait beau, il ne fait pas froid, les nuits sont superbes et je suis plutôt satisfait de ma course jusqu'à maintenant, pourvu que ça dure ! Il faut que je fasse attention à ne pas tomber en pénurie de chocolat sinon je risque d'arriver de très mauvaise humeur ! »
Conrad Colman (Imagine) : « Que du bonheur ! »
« Tout va bien. Je suis en train de me régaler en mer. Je suis assez content de ma capacité à reprendre mes habitudes en IMOCA. Je tiens le rythme et je suis content car je me sens comme si je n’étais jamais parti. Je suis, en revanche, toujours en train de découvrir les spécificités du bateau. Il a quand même quelques traces de rouille dans les manœuvres mais une fois lancé, c’est un grand plaisir. Le bateau tape et ce n’est pas super confortable mais il y a du soleil. Je suis dans le cockpit en train de mouliner pour régler et adapter le bateau à chaque changement de vent. J’ai mes lunettes de soleil, mes écouteurs et la vie est belle. C’est chouette de découvrir cette course. Pour l’instant, ce n’est que du bonheur ! »
Manuel Cousin (Groupe Sétin) : « Une dernière ligne droite bien sinueuse »
« Des petites news de Groupe Sétin sur lequel je me débats depuis deux jours avec de multiples petits problèmes techniques. Rien de bien grave finalement, mais de quoi largement perdre du temps et de la performance. J’aurais aimé pouvoir rester au contact de certains bateaux à dérives pour pouvoir me jauger en confrontation. Des améliorations ont été apportées à notre bateau cet hiver mais j’ai été confronté tôt à des problèmes de hook. J’ai évité l’ascension du mât mais j’ai perdu 4 heures dans l’histoire. Ça m’a aussi privé de voile de tête à la descente (grand gennak ou spi), dans des vents portants mous. En ajoutant à ça de multiples petits soucis divers et variés, on y laisse vite des forces et de l’énergie. Et de l’énergie sur nos bateaux, il en faut !
Je savais que participer à cette course aussi tôt en saison, avec le chantier que l’on a fait, était un sacré défi. Ce défi, notre petite équipe l’a relevé en travaillant d’arrache-pied et en donnant tout pour le bateau ces quatre derniers mois. Alors bien sûr que j’espérais mieux avec ce « nouveau » bateau que je sens beaucoup plus véloce, mais je me console en me disant que nous sommes encore en course. Je profite pour apprendre à le redécouvrir et que je peux encore me battre pour finir cette course au mieux. C’est la dernière ligne droite mais d’après les routages, elle est bien sinueuse. »