Mots du bord 13/05
Benjamin Ferré (Benjamin envoie le pépin) : « Vendredi 13, un jour porte-bonheur »
« Vendredi 13. Je me suis toujours dit qu’il fallait décréter que c’était un jour porte-bonheur finalement ! C’était vraiment intense cette nuit d’aller virer de bord tout proche de la côte au milieu des pêcheurs espagnols. J’ai pu, d’ailleurs, apprécier l’espagnol impeccable d’Éric Bellion en pleine discussion à la VHF avec un pêcheur. Quand tu penses qu’on est allé en Irlande et en Espagne et qu’on ne s’est même pas arrêté boire une Guiness ou grignoter deux-trois tapas… Pour ma part, je commence à être vraiment bien « cramé ». J’essaie de garder le rythme mais disons que le matossage et les manœuvres en IMOCA, ça change un peu du Mini 6.50, c’est sûr ! Je vais essayer de dormir un peu pour être prêt à renvoyer de la toile dès que ça va mollir ! »
Guirec Soudée (Freelance.com) : « Un peu comme un enfant »
« Je me sens bien. Je me sens exactement à l’endroit où je devrais être. Je suis un peu comme un enfant. Tout se passe bien à bord. Il y a des options à faire mais avant de les choisir, je n’ai pas forcément les bonnes réponses. Je teste. Parfois, je me dis que ça pourrait fonctionner un peu mieux. Je suis loin d’avoir des réponses à toutes les questions que je peux me poser. J’ai hâte de revenir à terre pour en parler avec mon équipe mais en attendant, je suis dans le paquet avec quatre super bateaux, quatre foilers. C’est déjà hyper chouette. Au début, j’étais un peu plus à l’arrière de la flotte et j’ai vu que je pouvais un peu plus tirer sur le bateau et réussir à me débrouiller. C’est tant mieux mais je ne suis pas encore arrivé. Le principal, c’est de ramener le bateau. Je suis en train d’affiner des réglages pour voir ce que ça donne. En fait, j’aurais dû prendre avec moi le mode d’emploi de l’IMOCA. Je n’ai navigué que dix jours sur ce type de bateau avant la course. Ce n’est quand même pas beaucoup. Je ne vais cependant pas me plaindre. C’est quand même hyper bien d’être là où je suis. Je suis heureux. Vivement que j’en dépasse un ou deux et je le serai encore plus ! (Rires) »
Antoine Cornic (EBAC Literie) : « J’espère que les orques me laisseront tranquille »
« Cette nuit, c'était tranquille, avec le bateau sous pilote, au près. Je n'ai pas fait grand-chose. Là, c'est un peu plus humide et le vent se renforce près de l'Espagne. Le bateau tape. J'ai déjà pris un ris mais qui sait… Je vais attaquer le rail des cargos au nord du DST et il y aura du monde comme d'hab. J’ai une petite pensée pour mes orques de la transat.... J'espère qu'elles me laisseront passer tranquille cette fois. C'est marrant, mais ça m’a marqué. »
Arnaud Boissières (La Mie Câline) : « Nuit blanche espagnole »
« Tout était réuni pour avoir une nuit animée et ça été le cas. J’ai croisé une succession de cargos à sur l’axe Ouessant - cap Finisterre. Je me suis dérouté pour un. Une fois les cargos passés, ce sont les pêcheurs qui sont apparus ! J’ai dû en croiser une quinzaine. A la VHF, ça ne parle qu’Espagnol. Yo tambien (enfin pas trop). Bref je me suis écarté de deux qui étaient en pêche et ne semblaient pas trop manœuvrants. Après tout ça il a fallu virer de bord et se prendre des seaux d’eau à l’extérieur en déplaçant les voiles. Une fois tout fait et rangé, j’ai pu me faire un thé et profiter du lever du soleil. J’ai réussi à prendre un petit avantage sur Éric (Bellio) et Benjamin le pépin. J’ai eu, pendant un moment, Conrad (Colman) à portée AIS puis il a disparu, mais il n’est pas loin le Kiwi. Les deux de devant ne le sont pas non plus. Le dernier sprint va être serré et stratégique. On va donner du cœur à l’ouvrage pour finir bien. J’ai branché mon réveil pour faire trois dodos de 20 minutes avant midi. Bravo à Charlie, il est sur une autre planète. »
Pip Hare (Medallia) : « Parfait pour se jauger »
« Le changement de rythme a été radical hier. Après l’activité frénétique des trois jours précédents, j’ai enfin pu me concentrer sur les détails et essayer de vraiment comprendre Medallia. De comprendre ce dont il a besoin pour être rapide et le rester. Depuis que j’ai débordé le way-point Gallimard hier soir, je régate à proximité de Fabrice Amedeo puis d’Alan Roura. Pendant une grande partie de la matinée, j’ai pu les voir à l’horizon ou sur l’AIS, et cela m’a donné une réelle occasion de me jauger par rapport à eux en vitesse. Ce « speed test » a été un bon indicateur de performance et va me permettre de travailler des points précis. J’ai ainsi récolté des données inestimables.
Une chose est sûre, dans cette flotte, si vous avez un petit moment d’inattention, même pendant un très court instant seulement, vous le payez cash. Même chose si vous commettez une petite erreur. De ce fait, même quand je dors, je ne peux pas me permettre de perdre du rythme. Je joue beaucoup avec le pilote automatique. De temps en temps, je prends la barre. Je fais avancer Medallia le plus rapidement possible et j’essaie d’analyser mes propres mouvements de barre afin que je puisse programmer ce modèle de réponse dans le pilote. Je regarde beaucoup les performances moyennes de mon bateau et je les compare à celles de mes adversaires.
Comme le reste de mes rivaux devant moi, je continue ma route au large de l’Espagne. A présent, je me dirige vers le nord à travers le golfe de Gascogne. Il y a des informations qui circulent à propos d’une cargaison de bois déversée dans l’eau. Louis Burton a rencontré des planches plus tôt dans la journée. Je suis surprise que celles-ci soient toujours là car lorsque j’ai effectué un convoyage depuis le Portugal il y a plus de deux semaines, j’ai dépassé Sam Goodchild à bord de son Ocean Fifty qui il m’a averti de ce problème. L’océan ne les a pas encore dispersées. Il n’y a pas grand-chose que je puisse faire de toutes les façons. Le radar ne les détecte pas et je ne peux pas vraiment garder un œil en continu sur ce qu’il a devant l’étrave, alors j’espère que je n’en rencontrerai pas. »
Conrad Colman (Imagine) : « Une bataille comme en dériveur »
« C’est une vraie bataille comme en dériveur ! La situation est compliquée, pour moi en tous les cas. Depuis notre virement au large du cap Ortegal, Benjamin Ferré et Éric Bellion sont à mes trousses. Dans ce genre de cas, c’est toujours mieux d’être chasseur que chassé. Les 24 heures de course vont être très stressantes. J’espère avoir une opportunité de me recaler dans l’Est pour resserrer l’écart avec mes deux principaux rivaux afin de pouvoir jouer à armes égales avec eux dans les derniers milles. Ces derniers milles promettent d’être intéressants mais aussi bien fatigants. Je vais sans doute arriver éclaté mais je veux vraiment réussir à donner le meilleur de moi-même et du bateau jusqu’au bout ! C’est mon défi et c’est un bon défi ! »