Interview d'avant départ Szabolcs Weores
Szabolcs Weores : « tout reste à écrire »
Le skipper hongrois s’élance pour la 1ère fois en course, en solitaire et en IMOCA. Riche d’une solide expérience en équipage, il aspire à s’inscrire dans les pas de son mentor et compatriote, Nandor Fa, premier étranger à avoir bouclé le Vendée Globe. Rencontre enthousiasmante sur les pontons.
Il n’y a pas la mer en Hongrie. Et alors ? Cela n’a pas empêché Szabolcs Weores d’avoir une progression constante en voile, de débuter en Optimist, de faire ses gammes en voile olympique, d’être membre d’un team de l’America’s Cup et de participer à un tour du monde en équipage… Désormais, celui qui a également été une pointure en triathlon et en Iron Man aspire à tenter l’aventure en solitaire. Objectif ? Devenir le 2e skipper hongrois à s’offrir les joies du Vendée Globe, en 2024. À bord de l’ex-Stark, le bateau d’Ari Huusela, Szabolcs – qui aime se faire appeler ‘Szabi’ - débute une nouvelle aventure. Son équipe, basée aux Sables d’Olonne, a longtemps travaillé avec le skipper finlandais et le Hongrois a des envies de bien faire. Il raconte son parcours, ses débuts en IMOCA, son regard sur la classe et son envie d’apprendre le français. Rencontre avec un marin serein et déterminé qui ouvre un peu plus les horizons de la discipline.
Que ressentez-vous à l’idée d’être ici et de participer à la Guyader Bermudes 1000 Race, votre 1ère course en IMOCA et en solitaire ?
Je me sens très bien, très excité à l’idée de m’élancer et d’y participer. Ce sera ma première course au large en solitaire à bord d’un IMOCA. C’est un challenge passionnant. Les dernières semaines n’ont pas été faciles : on a commencé la préparation en janvier, il a fallu que le bateau soit opérationnel, qu’on fasse la qualification… C’était dur mais, grâce à une belle équipe expérimentée autour de moi, je me sens prêt.
« J’aime beaucoup les challenges »
Avez-vous pris du plaisir, justement, pendant cette période ?
Forcément, c’est une question que je me pose parfois. J’espère que le plaisir va venir maintenant, à partir du moment où je prendrai la mer. Ces derniers mois, avec tout le travail à fournir, il y avait forcément beaucoup de stress. Le fait d’être dans les temps et d’être ici, cela permet de prendre progressivement de la confiance.
Les gens vous connaissent peu en France. Comment décrivez-vous votre parcours et les raisons de votre venue en IMOCA ?
Bien entendu, on me connait peu parce que je n’ai pas d’expérience en course au large en solitaire. J’ai commencé comme tous les jeunes, par de l’Optimist avant de faire la progression classique, en passant par des catégories olympiques, du Flying Dutchan, du 49er… Après, même si j’ai toujours continué à naviguer, j’ai fait de nombreux triathlons, marathons, Iron Man… J’aime beaucoup les challenges et la voile en fait partie : j’ai envie d’apprendre, d’en acquérir les compétences.
« Je m’élance dans un monde que je ne connais pas »
Vous avez aussi de l’expérience en course au large…
Oui, j’ai navigué autour du monde avec l’Américain Istvan Kopar (4e de la Golden Globe Race en 2018) lors du Hong Kong Challenge en 2003. J’ai aussi réalisé une transatlantique (l’ARC en 2007) avec Nandor Fa, qui m’a toujours encouragé et qui est connu par les Français en étant le premier étranger à avoir participé au Vendée Globe (il compte deux participations en 1992-1993, 5e, et en 2016-2017, 8e NDRL). Nous sommes constamment en contact, il me donne de précieux conseils à propos de la classe et de la navigation en solitaire. J’ai enfin eu l’occasion de travailler pour une équipe de l’America’s Cup en 2007 au sein du team sud-africain Shosholoza.
Vos expériences en voile ont essentiellement été en équipage. Pourquoi s’élancer en solitaire ?
J’ai toujours été intéressé par cette façon de naviguer. J’en connais peu encore et tout reste à écrire. Je m’élance dans un monde que je ne connais pas mais j’aime sortir de ma zone de confort. Ce que j’apprécie, c’est le fait d’être responsable de tout. Si tu fais une erreur, c’est ton erreur. Quand tu es en équipage, on peut toujours accuser les conditions, le bateau, les co-skippers… Quand tu es seul, ce n’est plus le cas. Et la moitié du travail est fait quand la préparation est sérieuse.
Vous arrivez à faire des parallèles entre le marathon, le triathlon et la course en solitaire ?
Oui, les sensations peuvent être similaires. Cela fait appel à des qualités d’endurance et de résistance physique aussi parce que ce sont des bateaux très sollicitant. L’état d’esprit est identique aussi… Mais c’est quelque chose que je vais expérimenter davantage en course à coup sûr.
« Je suis jaloux des Français »
Qui sont vos modèles en course au large ?
C’est une bonne question, d’autant que je connais très peu les skippers actuels. Mais j’ai suivi la dernière édition du Vendée Globe. C’était intéressant de voir Yannick Bestaven s’imposer, d’autant qu’il a déjà navigué au lac Balaton dans une course organisée par Nandor Fa il y a quelques années. J’aime la façon dont il navigue et je l’ai toujours un peu suivi.
Comment décrivez-vous l’atmosphère au sein de la classe IMOCA ?
Ce qui est amusant, c’est qu’on entend parfois certaines personnes critiquer le fait qu’elle soit trop française, qu’il n’y a pas de traduction pendant certaines réunions. Mais d’un autre côté, je trouve ça très impressionnant de voir que tout le circuit est ici, que les Français sont capables d’organiser des courses qui débutent et finissent en France, que toute l’industrie est ici, que tout est très professionnel. D’une certaine façon, je suis un peu jaloux ! (rires) J’aurais aimé passer par la Mini et faire mes gammes comme nombre de skippers français. Mais je ne veux surtout pas me plaindre et je sais ce qu’il me reste à faire : apprendre le français !
Quels sont vos objectifs à la Guyader Bermudes 1000 Race ?
Je veux juste finir la course en étant le plus prudent possible pour prendre de l’expérience. Normalement, j’ai un caractère qui aime attaquer et prendre des risques. Mais nous sommes au début de notre campagne, je dois respecter la classe et faire preuve de mesure. On en rigole dans l’équipe : il faut naviguer avec l’état d’esprit d’Ari. Sa philosophie de pilote de ligne, c’était toujours d’être le plus prudent possible et j’aimerai beaucoup l’imiter. Il était très fort à ça et je dois me concentrer au maximum afin de m’en rapprocher.