Portrait d'Antoine Cornic "être là, c’est juste incroyable"
PAROLES DE BIZUTH. À l’issue d’un hiver harassant au chantier puis de ces derniers jours perturbés par des soucis d’électronique, Antoine Cornic savoure le bonheur simple d’être en course dans cette Guyader Bermudes 1000 Race, ce dimanche. Un aboutissement pour cet habitué des pontons, restaurateur à l’île de Ré, qui s’est employé comme jamais afin de pouvoir prendre le départ.
Rien ne peut grignoter son enthousiasme. Et ce n’est pas ce mal de gorge et ces toux répétés depuis quelques jours – « je n’ai pas le Covid-19, je vous rassure » - qui vont y parvenir. Ni même le stress de ces derniers jours lié à la crainte de ne pas être prêt à temps. Et pourtant, « il y a une semaine, on ne savait même pas si on allait être là », reconnaissait Antoine Cornic vendredi dernier. Pour sa petite équipe de trois personnes, après une Transat Jacques Vabre riche d’enseignements (20e), la phase de chantier a été intense. Un travail abattu à quatre, pour changer le mât, l’électronique, le pilote automatique, l’ordinateur de bord et les voiles (dont la plupart est encore en fabrication).
Renouer avec son histoire au large
Après la mise à l’eau, le bateau semblait capricieux et l’équipe a dû faire face à des problèmes d’électronique liés à l’utilisation de nouveaux systèmes de bord. Le soin qu’il faut porter à son IMOCA est plus conséquent qu’il n’y parait. La monture en a connu, des milles et des courses : conçu en 2015, il a eu plusieurs skippers, Derek Hatfield, Éric Holden, Jack Bouttell, plusieurs noms (Spirit of Canada, Algimouss, Spirit of Canada, O Canada), plusieurs vies.
Le racheter, c’était pour Antoine (42 ans) une façon de renouer avec son histoire du large, sa Mini-Transat en 2001 (avec Yannick Bestaven et Arnaud Boissières), son envie de Vendée Globe en 2004, l’achat d’un 50 pieds puis un record avorté, la perte du sponsor, la roue qui ne tourne plus. Antoine a toujours conservé précieusement ce rêve de revenir. Cela ne l’a pas empêché, en parallèle, de multiplier les projets, lui, le père de deux enfants, entrepreneur à ses heures (il a ouvert un bistrot puis un restaurant).
« Un aboutissement de tellement de choses »
Le retour s’est donc fait l’an dernier, à bord d’Ebac Literie avant cette nouvelle saison qui débute donc à Brest. « Etre là, c’est juste incroyable, c’est un aboutissement de tellement de choses dans ma vie ». Antoine savoure le plaisir simple de s’élancer aux côtés des acteurs de l’IMOCA. Il a goûté, déjà, à la solidarité des hommes de mer : Arnaud Boissières lui a filé des coups de main, Yannick Bestaven a hébergé son bateau cet hiver.
La Guyader Bermudes 1000 Race ? « Là, je savoure ! C’est quelque chose à part, on sait qu’on peut tout perdre du jour au lendemain donc il faut profiter de ce qu’on a ». Son objectif, c’est d’aller au bout, d’empocher sa qualification pour La Route du Rhum-Destination Guadeloupe et de rêver en grand du prochain Vendée Globe. Antoine a déjà les mots et les attitudes d’un habitué du large. Celui qui a fait de l’île de Ré son refuge qualifie les skippers « d’apporteurs de rêve » et voit, dans le solitaire, l’occasion « de trouver son équilibre ». Au détour de la conversation, il ajoute : « pour aimer le ‘solo’, il faut juste aimer être entouré par des gens ».