10
mai
11H55

Mots du bord 10/05

Mots du bord 10/05 Charlie DalinSébastien Marsset, Damien SeguinGiancarlo Pedote, Antoine Cornic, Arnaud Boissières, Manuel Cousin et Benjamin Dutreux évoquent ces dernières heures de course, le passage du Fastnet et la descente vers le sud. 

 

Charlie Dalin (APIVIA) : 

« La course se passe plutôt bien. Nous avons eu une première nuit technique avec des grosses bascules de vent, puis nous avons eu une transition avec un vent soutenu de sud-ouest qui a commencé à forcir en approche du Fastnet. Je suis content de mon départ. Je savais qu’il était important d’avoir de l’air frais pour s’échapper dans le groupe des leaders. Il était vraiment important d’être devant pour arriver sur le Waypointdu Trophée. Une fois qu'on a attrapé le nouveau vent, ça partait vraiment par devant et nous avons commencé à creuser l’écart. 

 

La fin du tronçon vers le Fastnet était assez brutale. J'ai frôlé les 30 nœuds de vent …. Ce n’était pas très confortable mais j'ai continué à attaquer car je sais que c'est le seul moyen de rester devant. J'ai essayé de garder le plus de surface de voile le plus longtemps possible... en mettant un peu le confort de côté c’est vrai… 

 

Concernant la bagarre avec Thomas et Jérémie, c'est un peu comme dans Usual Suspects. Nous régatons au contact depuis la Vendée Arctique 2020 ! Pareil sur la Transat Jacques Vabre2021 et rebelote cette année. Nous avons tous les trois des bateaux compétitifs que nous connaissons sur le bout des doigts. Cela fait désormais 4 ans – même 5 pour Charal – que nous naviguons dessus. Cette bataille à trois est donc assez logique lorsqu'on allie la performance de nos bateaux à nos expériences. »

 

Damien Seguin (Groupe APICIL) : 

« C’est le 2e matin sur cette Guyader Bermudes 1000 Race. Le décor a changé : depuis le passage du Fastnet, on est au près. Les hautes vitesses d’hier sont remplacées par des vitesses beaucoup moins rapides avec le bateau qui tape plus contre le vague. Ce n’est pas ce qu’il y a de plus agréable mais il faut faire avec. Ce sera notre allure privilégiée pour rejoindre le point Gallimard. Tout va bien à bord ! C’était génial de passer le Fastnet en 5e position. Le bateau marche bien même si c’est plus compliqué au près. Mais je vais m’accrocher pour essayer de faire quelque chose de bien sur cette course. » 

 

Giancarlo Pedote (Prysmian Group) :

« Je suis content de ma position et de ma course. On a bien vu que les grands foilers sont revenus. C’est un truc de dingue ! Ils arrivent à aller plus vite, même parfois en étant dans un cap identique. On le savait, ce n’est pas grave. On espère que l’année prochaine, nous aurons aussi des nouvelles ailes pour pouvoir se battre devant ! » 

 

Sébastien Marsset (Cap Agir Ensemble) : « un début de nuit tonique »

« Bonjour à tous ! Me voilà bien reposé ce mardi matin. La descente au près vers le way point Gallimard a laissé du temps pour de nombreuses siestes parfois entrecoupées d’un croisement avec un pêcheur ou d’un petit encas ! Le début de nuit avait pourtant été tonique avec le contournement du Fastnet. En à peine quelques milles, il m’a fallu changer de voile d’avant, transférer tout le matossage, lofer puis virer de bord, le tout en surveillant la côte, les concurrents et la layline… Rien que de l’écrire, ça me fatigue ! Sinon je continue à faire connaissance avec mon bateau. J’ai notamment découvert que son énorme casquette n’est pas gage de pieds secs ! Des torrents d’eau s’engouffrent en effet à chaque vague par les différents tunnels. Là, j’hésite entre prendre mon petit déjeuner et renvoyer le J2. Je sais que je vais faire les deux mais pas encore dans quel ordre ! » 

 

Antoine Cornic (EBAC) :

« Ici sur Ebac, ça tape ! C’était compliqué hier, je n’arrivais pas à aller vite : le bateau faisait de grandes embardées, ça devenait incontrôlable et même dangereux. J’ai fini par trouver : c’était le secteur de barre qui avait décidé de se balader... Enfin, voilà le passage du Fastnet sous un grain de 35 nœuds et voilà la route du Sud qui s’ouvre à nous. Tout se passe bien même si parfois j’ai l’impression que tout va casser ! Désormais, direction le petit dodo ! »

 

Arnaud Boissières (La Mie Câline) : 

« C’est toujours sympa d’enrouler le Fastnet. Accompagné de dauphins, c’est encore mieux. Ça rajoute un peu de mystère à ce rocher mythique. Je cravache pour revenir sur le petit groupe de devant. Le bateau va bien et je sens bien qu’il a un super potentiel. La vie à bord est géniale, confortable et bien protégée des embruns. J’ai enfin pu me reposer ce matin après le rythme soutenu du départ. Go direction le way-point Gallimard ! »

 

Benjamin Dutreux (GUYOT environnement – Water Family) : 

« On est arrivé au Fastnet en fin de journée, au moment du passage de front. Ça s’est plutôt bien goupillé. On a enchaîné pas mal de manœuvres. J’étais bien cramé d’autant que j’ai eu des petits soucis de capteurs de mât. Je n’avais pas vraiment d’infos vent, donc j’ai fait en mode compas. Globalement ça a été pour enrouler le fameux rocher. Ce qui a été cool, c’est qu’on est tout un petit paquet de bateaux à être passé assez groupés. Ensuite, on a plongé vers le sud en direction du way-point Gallimard. On a fait toute la nuit au près dans une vingtaine de nœuds. J’ai mis un peu de temps à trouver les réglages mais je suis super content. Le bateau réagit super bien quand il est bien réglé. Là, le vent va mollir un peu dans la journée. La nuit dernière j’ai pu prendre un peu de temps pour me reposer, ce que je n’avais pas encore réussi à faire avec un début de course bien intense ».

 

Manuel Cousin (Groupe Sétin) : 

« L’après-midi d’hier a été bien compliqué pour nous sur Groupe Sétin… Au moment d’enlever mon grand gennak, le hook de drisse est resté coincé. Je ne compte pas le nombre de fois où j’ai essayé de le dé-hooker pendant quatre heures. Rien n’y faisait. Je ne pouvais raisonnablement pas reprendre la route au près avec un vent forcissant, le gennak roulé devant mais risquant de se dérouler à tout moment. Je repoussais absolument le moment de monter au mât avec la mer qui se formait et le vent qui rentrait… Heureusement, dans un dernier essai, la pièce récalcitrante a enfin bien voulu libérer ma voile… J’ai été tellement heureux de pouvoir reprendre ma course. Evidemment, je suis loin d’où j’aurais aimé être, mais l’essentiel est là. Je suis de nouveau en course avec un bateau « safe ». Le Fastnet est derrière nous. Je donne tout pour essayer de recoller aux bateaux de devant. A part ça, tout va bien à bord de Groupe Sétin. »

 

Pip Hare (Medallia)

« Nous avons eu tout ce qui est imaginable au cours des dernières 48 heures et cela a impliqué un travail intense et difficile. Ma première nuit a été un désastre. J’ai pris de mauvaises décisions concernant mes choix de voiles, puis j’ai eu quelques heures difficiles dans les rails de cargos que nous avons traversé dans un épais brouillard. J’ai perdu toutes les informations relatives au trafic maritime puis aux prévisions météo. Je m’en suis sortie en naviguant à l’aide du radar, puis en redémarrant tous mes appareils électroniques du bord.

Après avoir contourné le premier way-point, j’ai accusé le coup de me retrouver si loin. C’est difficile de se remettre d’un départ aussi décevant, mais je me suis remobilisée rapidement. J’ai vu une chance de pousser fort et de gagner des places.

La remontée de la mer d’Irlande a été complètement sauvage et j’ai probablement franchi la ligne rouge en termes de risque. J’ai laissé trop de toile et le résultat a été que le bateau a heurté une vague et s’est arrêté net alors qu’il était lancé à 26 nœuds. J’ai été projetée en arrière à travers la cabine.   Dieu merci, j’avais mon gros bonnet  en laine. Je pense que cela m’a amorti la tête et a absorbé le sang de la coupure sur mon œil.

J’ai affalé le J0 après ça. Je suis contente de ne pas être décrochée des bateaux comme le mien. Alan (Roura) et Arnaud(Boissières) ne sont pas trop loin devant. C’est un peu comme être à nouveau dans l’océan, les voir aller de l’avant et les poursuivre.

Aujourd’hui, je me suis battue de nouveau, mais contre quelque-chose de différent. J’ai profité de la stabilité relative du vent pour me reposer un peu. Cela fait plus d’un an que je n’ai plus fait de course en solo. Le Vendée Globe était la la dernière fois. Je pense que j’avais oublié certaines choses mais le bateau m’a rappelé de manière assez antipathique comment même le moindre détail négligé nous punit,  nous les marins, si l’occasion se présente. C'est un retour violent à la course pour moi."